Et si on changeait les rôles ?
Suite aux attentats du 13 novembre
Des réactions aux attentats, il y en a eu beaucoup. Beaucoup tendent à déshumaniser les instigateurs des attaques. Sans vouloir aucunement excuser ces actes de violence inadmissibles, j’aimerais apporter un autre point de vue. Qu’est-ce qui se passerait si notre pays se faisait attaquer comme l’Afghanistan, l’Irak ou encore la Syrie ?
Mes pensées vont aux victimes des attentats, non seulement à Paris, mais aussi à Beyrouth —beaucoup moins médiatisés, ainsi qu’à leurs familles. Je pense aussi au peuple syrien, qui vit l’horreur en permanence. Si un souhait devait m’être accordé, je souhaite que les dirigeants ouvrent les yeux et se rendent compte que la paix ne s’obtient pas en écrasant des nations entières.
Je tiens d’ailleurs à préciser que non, contrairement à mes dirigeants, je ne suis pas en guerre. Et jamais je ne cautionnerai d’aller envahir un pays et d’y tuer des innocents sous prétexte d’y apporter la paix.
Je pense aussi à la communauté musulmane, qui se retrouve à nouveau placée sur le banc des accusés. Vous avez mon amour et mon soutien.
Tiens, encore une explosion. Décidément, je m’y ferai jamais. Bon, maintenant que je suis réveillé, autant me préparer. Ça serait bien que je me trouve un petit boulot aujourd’hui. Ça fait 2 jours que j’ai rien mangé de consistant. Peut-être que je devrais moi aussi tenter ma chance et partir en direction de l’Allemagne. Mais je ne peux pas laisser mon frère ici. Il est blessé, et n’a plus personne à part moi, vu que sa femme est morte dans l’éboulement qui lui a coûté sa jambe. Et puis il faut se rendre à l’évidence, maintenant que le gouvernement a fermé les frontières, c’est beaucoup moins évident de se déplacer. Et je ne parle pas des bombardements réguliers. Dire que les États-Unis étaient encore nos alliés il y a quelques années. Les temps ont bien changé, depuis que notre démocratie s’est effondrée. Maintenant, ils veulent nous enseigner leur bonne parole, à coups de bombes.
Eux, ils sont tranquilles, sur leur continent, loin. Ils n’ont pas à se frayer un chemin à travers les décombres tous les matins, à la recherche d’un travail, ou de nourriture. Le métro, c’est devenu trop dangereux. Hier encore, j’ai failli y passer, quand le pont de la ligne 6 a été abattu. Et dans les lignes souterraines, il y a toujours ce risque d’attaque au gaz ou je ne sais quoi d’autre, depuis qu’ils ont trouvé cette bonbonne bizarre sur la 4. Et j’ai pas envie d’aller au camp. C’est sûr, c’est alléchant. Un boulot, nourri, logé… Mais pour faire quoi ? Apprendre à manier les armes et aller tuer du ricain ? J’ai pas envie. Ils nous ont rien fait, les habitants. Mais comme d’habitude, ceux qui décident la guerre ne sont pas sur les champs de bataille.
Jean-Marc y est allé, lui. Je n’ai plus de nouvelles, depuis quelques semaines. Si ça se trouve, c’est lui qui s’est fait sauter en plein milieu du Super Bowl. C’est sûr, ça en a réveillé plus d’un. Quatre cent morts, et je ne parle pas des blessés. Au moins maintenant, ils ont admis que c’était la guerre. Il leur aura fallu trois ans quand même. Ça fait déjà trois ans. Je n’ai pas oublié ce jour. Entre deux discours de propagande, tout s’est arrêté, avec ce titre. Bombardements dans le 7ème. Et dire que j’avais prévu un pique-nique aux Champs de Mars ce jour-là. Fallait s’y attendre, après. Entre le gouvernement qui fait tout pour contrôler nos moindres faits et gestes, et les émeutes qui menacent de dégénérer en guerre civile, ils doivent bien se marrer, en Amérique. La France, pays des Droits de l’Homme. Tu parles…
Oh merde. Ma tour est en feu. David. Il est encore dedans. Faut que j’aille le sauver. On voit plus rien, y a de la fumée et de la poussière partout. C’est fini. Adieu, mon cher frère. Ça y est, je n’ai plus rien. Plus de famille, plus de logement, plus rien. J’ai plus le choix. Soit je fuis ce pays, soit je vais buter du ricain. Ils ont eu toute ma famille, je vais me venger. Tant pis pour la paix à laquelle j’aspirais. C’est pas moi qui la verrai. Je ne peux plus fuir. Il faut qu’on se batte. Qu’on résiste. Qu’on leur montre ce que ça fait de voir crever son entourage. Qu’ils comprennent enfin que tuer des innocents ça n’apportera jamais la paix.